4. La définition de la "séduction"
Maintenant que vous avez la liste des langages, à vous de les apprivoiser, de les déceler et surtout de déceler tous les messages que l’autre envoie et que vous envoyez au-delà, bien au-delà des mots. Là je voudrai citer une statistique américaine. Dans un message, l’impact des langages non verbaux serait de 55%, celui de la voix de 38%... calculez : l’impact du discours, des mots, serait de 7%. Exagération ? Peut-être, atténuons les chiffres, les masses restent parlantes. Je faisais souvent remarquer aux cadres avec lesquels je travaillais, lorsqu’ils préparaient un « exposé », qu’ils préparaient le texte: 7% de leur efficacité. Je leur demandais : que faites-vous pour être au maxi de votre efficacité physique corporelle, comment séduisez-vous par la voix. Étonnement ! Avant de faire un exposé ou avant toute rencontre, il faut certes préparer le contenu, surtout il faut se mettre dans ses énergie/dynamisme/vitalité ; combien chacun de nous n’avons-nous pas subi de discours sans doute intelligents, mais étouffants. Nous avions envie de dire à ce professeur ou conférencier de nous passer son cours polycopié. Se mobiliser dans tout son être pour séduire est essentiel. De cela nous reparlerons, car il y a des techniques pour se mobiliser.
En attendant, à vous donc de devenir un artiste des langages, un artiste de la relation, de l’amour. Cela se travaille: quel pied !
Nous rebouclons sur la question de départ pour donner la définition de l’influence, de la séduction : ils dépendent de la « congruence » « cohérence» des langages: lorsque entre les idées émises, la voix et tous les autres langages non verbaux il y a renforcement, l'on dit : « il a du poids » : tous les langages pèsent dans le même sens. N’a aucun poids ce patron qui abuse de son pouvoir pour imposer ses horaires et sa diarrhée verbale, tout en nous assurant de sa profonde considération; nous sommes sa "ressource essentielle" et il clame comme valeur le respect des personnes. C’est un « charlot» (et je sais ce dont je parle après 41 ans d’expérience !) même si on l’applaudit, car il est « chef ». L’influence est définissable et mesurable. Si parfois nous nous sentons très mal à l’aise face à quelqu’un, prenez le temps d’analyser, vous verrez que des langages se contredisent. « ah ce mec, je ne le « sens »pas ! Analysez, filmez-le et regardez, vous verrez des langages se contredire. Parfois le soir, je rentrais à la maison après le travail, Matthieu, mon fils, qui avait alors 4/5 ans, se précipitait vers moi pour me donner des raisons d’une «bêtisse» faite: tout son corps me disait qu’il me racontait des "inexactitudes". Je me rappelle encore lui avoir dit : « tu mens, ton nez grandit ». Symbole de l’histoire de Pinocchio : ton corps, tes langages non verbaux ne sont pas en accord, ton corps me dit que tu mens. Je voyais alors Matthieu, se retourner, baisser la tête, et vérifier avec sa main si son nez grandissait! Innocent et conscient enfant! Il n’avait pas encore appris à « camoufler ». (d’ailleurs il ne sait toujours pas) !
Pourtant « Attention », très attention et challenge passionnant : lorsque nous ne sommes plus dans notre « langue » et surtout notre culture, ne projetons pas nos interprétations : vivons le "déboussolement" culturel, déroutant mais combien explosant, à condition d’abandonner sa position de touriste qui communique et "baragouine" ou sa position d’expatrié tourné sur sa communauté, pour s’immerger et boire les tasses inhérentes à cette situation d'immersion dans une autre culture. J’ai vécu pendant 6 ans avec une compagne américaine, immergé complètement, aucun ami français aux alentours! Je me suis retrouvé parfois complètement « infans »: sans parole, sans référence, devant tout apprendre: de quoi se taper la tête contre les murs, même si effectivement je « communiquais en anglais » sachant parler !
5 . Langages et cultures
Tous les langages sont inscrits dans une culture.
Y a-t-il des langages hors culture ou pré culture ?
• Biologiquement au niveau corporel, il y a des patterns innés et des réflexes qui sont liés aux mécanismes physiologiques du corps humain : ainsi quelle que soit la culture un visage détendu et souriant, des épaules relâchées, une posture droite, une respiration abdominale, un rythme cardiaque lent sont des messages de détente par rapport à des épaules rentrées, un visage crispé... un dos courbé...des poings fermés, les larmes avec une respiration hachée, les cris et les hurlements…
Différences culturelles
Ceci dit, tous les langages que nous avons cités au préalable sont inscrits dans une culture donnée et en apprenant ces langages je m’inscris et je me formate dans cette autre culture. Mais se formater dans une autre culture, c’est déjà être conscient de la diversité des approches de la vie et c’est une façon de se libérer. Parler d’autres langues, vivre dans d’autres pays, cela ouvre.
Prenons le langage verbal : le vocabulaire, les mots que la langue (français, anglais, chinois…etc) met à ma disposition vont conditionner ma perception du monde. Dans notre langue française nous avons un seul nom pour désigner la neige ; bien sûr nous pouvons y ajouter des adjectifs différents et variés. Chez les Inuits (peuple indien d’Alaska) 30 noms différents pour désigner la neige: donc un Inuit quand il voit de la neige, voit 30 neiges différentes en plus des adjectifs qu’il peut y accoler. Ainsi les mots dont nous disposons vont enrichir notre perception du monde. Il est important de savoir que officiellement, la langue anglaise met à la disposition d’un Anglais 800 000 mots, nombre qui actuellement approche du million chez les Américains, parce que c’est une langue qui s’enrichit tous les jours. Nous n'avons pas le complexe "Toubon"! Alors que le français, souvent considéré nombrilistement par ceux qui ne parlent pas d’autres langues, comme l’une des langues les plus riches du monde, n’a effectivement que 400 000 mots. Bien sûr, ce n’est pas parce qu’une langue a 600 000 mots ou un million que je possède cette langue mais en tout cas cela indique les possibilités qu’elle m’offre pour appréhender le monde. Elle m’offre une richesse supplémentaire. En anglais, nous nous enracinons dans deux origines ; l’anglo-saxone et la latine. Tous les mots du vocabulaire français qui sont très classes et très sélects sont des mots qui la plupart du temps sont utilisés en anglais: j'avais plus de vocabulaire et un vocabulaire très élevé aux US. J’incite mes enfants à bien travailler le français et développer leur langue car ils seront très « classe » quand ils parleront anglais à partir des racines latines ; les mots courants en anglais sont plus de racine anglo-saxone.
D’autre part au-delà des mots il y a la structure de la langue elle-même qui va conditionner mon comportement. En français existe le «vous» et le «tu». En anglais n’existe que le « You ». Ainsi dans une relation « amoureuse » avec quelqu’un, ce passage très subtil, du vous vers le tu, qui passera par le neutre à un moment quand nous ne savons plus si nous allons vers l’intimité est un jeu français qui ne peut pas exister en anglais: je l’ai regretté. Et aussi cela peut donner pour les Français un sentiment de sympathie lorsqu’ils sont aux Etats-Unis quand ils ont le sentiment que les relations sont très cordiales parce que l’on est tout de suite dans le « tu » et le prénom. 10 minutes après, dans la rue, cet Américain si cordial ne vous reconnaîtra plus.
Autre différence de langue liée à la structure : en malgache il y a deux types de « nous » qui permettent de faire la différence lorsque je parle avec des personnes, entre un nous qui inclut les gens présents et un nous qui désigne des gens absents. Ainsi à Madagsacr si vous dites « nous sommes allés au cinéma » les 2 nous malgaches vous indiquent si vous faisiez partie de ce groupe ou non.
Autre différence liée à la structure de la langue: en anglais, par exemple, tous les mots sont des noms et des verbes et même des prépositions peuvent être des verbes. Exemple : House – « I am housed » - back : « I back you » . Ainsi pour un Américain et un Anglais structurés par la langue maternelle anglaise, l’action et le concept sont deux choses très proches et pour un Américain « penser c’est agir ». Ce n’est pas le cas en français où le concept et l’action sont deux choses différentes. Nous réfléchissons beaucoup, les autres peut-être pas assez ? ainsi aux US l’on m’a souvent fait remarquer: « why is agressive ». Les pourquoi, qui sont notre culture, sont perçus de façon agressive; les "comment" intéressent plus un américain. Dans une entreprise française, un PDG me dit que régulièrement lorsqu’il appelle le directeur de sa filiale aux US, un Américain, ils partent en conflit. Je lui demande ce qu’il dit : « mon directeur US me dit qu’il veut pousser tel ou tel projet » et alors? « et bien et alors, je lui demande Pourquoi ? » Voilà. J’explique au directeur que ce mot va créer le conflit car quelque part il laisse entendre à l’autre qu’il remet en cause son autorité. Je lui ai donc suggéré de lui demander « comment? " et de déceler ensuite les raisons. Depuis ce jour, plus de conflit. Dans des séminaires que j’ai suivi aux US sur la gestion du corps et du stress : jamais une explication théorique, l’on vous fait pratiquer des techniques et vous pratiquez et longtemps. Ça marche, ça marche. On est pragmatique. En France pour faire respirer des cadres dans un séminaire j’ai toujours pris la précaution de leur expliquer au préalable les raisons biologiques: pour agir il faut "comprendre" et pas uniquement se contenter de l'efficacité constatée.
Au niveau de la langue nous pouvons aller plus loin : le temps des verbes est très important et indique la complexité de notre rapport au temps et la façon dont nous nous y inscrivons. En français, si j’ai bien compté nous avons 14 temps de verbe différents: entre les passés, les présents,futurs, les conditionnels, les subjonctifs, les impératifs etc.... et donc notre rapport au temps est très subtil. Dans beaucoup d’autres langues existent souvent trois rapports au temps : le présent, le passé et le futur. Ce qui ne va pas dire qu’il y a moins de richesse dans cette langue mais les richesses sont différentes et liées à d’autres dimensions de la langue que nous n’avons pas.
Autre exemple de structure de langue qui conditionne notre rapport au monde : en malgache par exemple l’on parle quasiment toujours dans une structure passive : je ne dirai pas «je bois l’eau du verre » mais je dirai « est bu par moi l’eau du verre » je ne dirai pas « je mange le poulet » mais « est mangé par moi le poulet » le rapport au réel est majoritairement un rapport « passif », un rapport d’acceptation : dans cette culture la démarche n’est pas une démarche volontariste d’action. A l’occasion en échangeant avec le ministre du développement de Madagascar, je lui signalais que dans la langue et donc dans la culture il y avait un rapport au réel qui ne permettait pas nécessairement de s’inscrire dans un système d’action volontariste, dans le système économique dominant, le seul qui existe maintenant, le libéral" où il faut être non seulement actif, cela ne suffit plus, il faut que nous soyons tous "proactifs"!!!!!! Nous, dans notre langue en occident, par la structure de notre langue nous sommes des acteurs de la vie et nous considérons d’ailleurs très souvent certains pays comme des passifs. Aux Etats-Unis, j’ai lu, dans une High School, marqué au tableau « the passif form is a fault» ainsi, pour un Américain utiliser la forme passive est une faute; d’ailleurs j’ai fait remarquer au professeur qu’une partie de l’humanité, dans sa langue même, était structurée par le passif. Ces pays, à mon sens auront à inventer et développer un modèle économique autre.
Autre exemple de structure lié à la langue, à Madagascar, le temps par exemple ne peut pas être une circonstance mais un sujet. Nous dirons en France : je prends le train à 5 heures de l’après-midi. Cela souligne bien que le temps dépend de ma volonté: c'est un complément circonstanciel! Si je devais traduire cela en malgache le temps est sujet : « 5 heures, heure dans laquelle sera pris par moi le train ». Un Malgache vit dans le temps, un temps circulaire, ne gère pas le temps linéaire où les évènements se succèdent. Moi-même et beaucoup d’amis ont fait l’expérience suivante : à Madagascar, à Tananarive quand ils sont allés prendre le train pour aller sur la côte, le premier réflexe du Français normal était d’aller voir l’horaire, parce que dans une gare nous avons un horaire. A quelle heure part le train ? Le Malgache ne va pas voir l’horaire, il va sur le quai, le train est là ou n’est pas là : ce n’est pas une question puisqu’il vit dans le temps et on n’est pas en train de vouloir gérer le temps. Ensuite, posez la question à un Malgache et regardez bien son regard quand vous lui demandez « à quelle heure part le train ?» c’est une question qui n’a pas de sens puisqu’il n’attend pas le départ du train, il est en train de vivre, chanter, échanger … sur ce quai et à un moment le train partira.
Allons encore plus loin, les images sont liées à la langue et diffèrent profondément d’un pays à l’autre. Dans notre langue nous parlons de prendre femme, tomber enceinte, tomber amoureux… images intéressantes. Aux US, quand son épouse est enceinte, le mari peut dire « we are pregnant » "nous sommes enceints ». J’aime ! et quelle ouverture d'esprit que d'entrer dans les images d'une autre culture, souvent intraduisibles. Chez nous, un dossier nous le mettons "sous le coude", aux US, vous le mettez sur le "brûleur du fond". tu me racontes des "mensonges" devient "plume de cheval". Chaque jour m'amenait son lot de découverte pour l'éclatement de mes limites de franchouillard.
Toute langue est une richesse d’ouverture au monde. Pour moi il est capital d’apprendre des langues étrangères non uniquement pour communiquer mais pour s’ouvrir à un rapport différent au monde: je compte bien avant de mourir apprendre le chinois non nécessairement pour le parler mais pour m'épaissir de leur rapport à la vie. Nous avons la chance et je dis bien chance d’être obligés de parler l’anglais, cela nous ouvre. Les Américains et les Anglais vont être bloqués dans leur créativité même, car ils n’ont pas cette obligation de s'ouvrir à une autre langue: certains Américains avec qui nous avons échangés en sont conscients.
En plus des mots, il y a comme nous l’avons vu toute la partie diction; certes nous avons tous des accents et dans toutes les langues les accents varient et à l’intérieur même d’un pays. Surtout les langues exigent des façons de prononcer diverses. Ainsi la façon d’utiliser sa bouche n’est pas la même d’une langue à l’autre. Le français parle du bout des lèvres, je pense que c’est l’une des raisons parce que c’est une langue très mélodieuse qui est formatée au niveau de nos lèvres que nous sommes considérés comme des charmeurs. (j'ai toujours gardé mon accent français!) Pour l’anglais, la langue résonne au milieu de la bouche, pour l’allemand c’est beaucoup plus au niveau de la gorge. D’ailleurs, actuellement les Coréens du sud vont plus loin : ils opèrent leurs enfants d’un élément de la bouche qui empêcherait de parler anglais correctement !
Différence également dans les sons qui expriment nos ressentis : avoir mal en France s’exprime par un aïe, alors qu’un Américain dira : « aoutch »… "miami" correspond à notre miamiam, "iaki"= beurk…. Etc.
Autre différence bien sûr ce sont tous les éléments du corps, les éléments de posture. Un américain, un africain, un asiatique, un européen ne marchent pas de la même façon. Et si vous regardez la façon de se mouvoir, la posture la façon d’occuper l’espace différent d’un peuple à l’autre.
Les éléments gestuels aussi sont très importants. Je suis capable à coup sûr de repérer un Américain même s’il parle très bien le français, simplement en lui demandant de compter avec les doigts. Lui, pour compter avec les doigts, va ouvrir l’index vers vous, la main ouverte vers vous alors que le français va commencer par le pouce, la main tournée vers lui-même. Ce sont des réflexes qui sont tellement ancrés dans notre culture que nous ne nous rendons même pas compte que nous sommes formatés au niveau de nos gestes. Nous sommes tous amenés à faire la remarque au niveau des Italiens sur leurs gestes et la retenue de certains peuples comme les Suédois et les Danois. J'ai toujours aimé vivre ce mimétisme avec les pays dans lesquels je me situe.
Si vous êtres en réunion en Allemagne pour vous signifier qu’ils apprécient votre conférence ils ne vont pas vous applaudir mais ils vont frapper avec leur poing sur la table, surprenant si vous n'êtes pas averti! les Malgaches eux pour vous montrer qu’ils ont apprécié votre conférence vont émettre un cliquettement au niveau de la bouche. Chacun là peut raconter et lister ses propres surprises.
Les expressions faciales et les sourires varient aussi et n’ont pas la même signification. Les Américains sourient spontanément, un Malgache sourira souvent par politesse, un Asiatique sourira même s’il n’est pas d’accord avec vous car c’est une façon de vous respecter tout en pensant le contraire, il pourra même vous tuer en souriant, alors qu’en France très souvent un sourire est un signe d’approbation, d’accord avec la pensée de l’autre ; dans la vie courante nous sommes considérés comme un peuple qui ne sourit pas beaucoup. Maman ne m’a-t-elle pas dit régulièrement quand j’était enfant : « ne souris pas bêtement ! »
Le vêtement et le look : là je ne pense pas utile de faire des commentaires sur les différences de vêtements ; ce que je suggère toutefois c’est de s’habiller comme les gens du pays ou d’au moins faire cette expérience ; je me suis toujours dit si l’Egyptien met une djellaba et un turban c’est qu’il y a des raisons liées au climat: j’ai adopté cette tenue quand j’étais en Egypte. C'est confortable et aéré!.J’ai porté le kilt en Ecosse, très agréable et très élégant.
Pour les parfums en fonction des pays, les odeurs appréciées sont différentes et les parfumeurs doivent en tenir compte. Ainsi les odeurs corporelles varient.
Chacun d’entre nous sur tous ces langages culturels peut en fonction de ses voyages, rajouter à la liste. Le plus fréquent de ce que nous vivons tous, c’est le comportement de contact: toujours la joie et la surprise du voyageur, parfois le désarroi car nous ne savons pas ce qu’il faut faire entre se serrer la main, s’embrasser, se faire des accolades, se saluer mains jointes, s’incliner, échanger une carte de visite etc...sans parler dans ce domaine du rapport au corps de l’autre et du sexe opposé ou de même sexe avec des règles très différentes où certaines parties du corps considérées par nous comme particulièrement « chaudes » et sexués ne le sont pas ailleurs. On conseillera à une dame d’éviter les bras dénudés en Inde etc.... il est important également lorsqu’on voyage de s’informer au minimum des comportements culturels, de politesse et de savoir vivre différents si l’on ne veut pas commettre un certain nombre d’impairs.
Quant aux langages écologiques, l’espace et le temps là aussi sont extrêmement différents. En ce qui concerne l’espace, les distances d’intimité dont nous parlions précédemment varient. Pour un Italien, l’espace d’intimité c’est 30 cm. Donc, un Italien sera nécessairement proche de vous mais ce n’est pas, pour lui, entrer dans votre intimité. Alors que nous Français, nous sommes particulièrement « agressifs » pour les Américains parce que leur distance d’intimité est de 60 cm. Il fallait que j'y veille particulièrement et souvent j'étais trop "envahissant"...
Quant au temps, les différences sont particulièrement importantes; entre l’heure et plus 7 minutes, en France, nous ne sommes pas en retard ; c’est effectivement les différences entre les différentes montres. A partir de 7 minutes un Français normal moyen, s’excusera du retard ; à partir de 15 minutes il faudra qu’il ajoute une raison à ce retard et à partir d’une demi heure, nous trouverons une excuse pour ne plus aller au rendez-vous. Alors que pour un Allemand ou un Saxon, l’heure c’est l’heure: si vous invitez un ami allemand chez vous à 20 heures, vous pouvez vérifier qu’entre moins cinq et moins dix, la Mercedes sera en stationnement devant votre maison, voulant être sûr de ne pas être en retard, il aura repéré votre maison et attendra l’heure pour sonner. Alors que le Malgache, et je l’ai vécu difficilement au début, peut venir 1 heure, deux heures, 1 jour, 2 jours après le rendez-vous prévu et cela sans culpabilité et sans honte. J’avais fixé parfois des rendez-vous à certains de mes élèves en leur disant: nous nous voyons demain matin à neuf heures. Ils ne venaient pas. En plus ils n’étaient pas gênés parce que quand ils me rencontraient dans la rue ils ne passaient pas sur l’autre trottoir. J’ai mis beaucoup de temps à comprendre que ma façon de vouloir gérer le temps n’était pas du tout comprise dans ce type de culture. Vouloir gérer une affaire en Afrique, en pensant arriver le matin et reprendre l'avion le soir est illusoire. Il faut s'installer.
Le rapport à l’autre ne passe pas nécessairement par les mêmes sens : ainsi dans notre culture, la relation passe par le regard. Maman me disait : regarde moi dans les yeux. Le regard est un signe de franchise. Le regard n’a pas la même signification d’une culture à l’autre : vous êtes en train d’attendre à un feu rouge, de l’autre côté un « beur » comme nous les appelons, d’origine maghrébine, de seconde ou troisième génération : regardez-le. En vous croisant il risque de vous lancer : « tu me cherches, toi ! ». Le regard dans certaines cultures est un signe d’affrontement. Plusieurs ont confirmé cette expérience: l’autre jour un ami me racontait cette anecdote : il était dans le métro avec son père de plus de 85 ans et cet homme, à la vue fatiguée, regardait vaguement un jeune d’origine maghrébine, sans doute sans le voir. Et le jeune l’a agressé en lui disant mot pour mot : tu me cherches toi ! Dur à vivre! questions culturelles. Ainsi dans certaines cultures le contact passe par le regard avec éventuellement des interprétations différentes, en plus dans d’autre culture le contact est plus physique : on se touche pour se sentir et non uniquement se voir. A Madagascar, quand la première fois, dans la rue, à Fianarantsoa, un ami malgache m’a pris par la main, j’ai eu du mal. Je le savais : les hommes comme en Egypte se tiennent la main ou par le bras. Mais entre le savoir et le vivre ! les formatages culturels sont forts.
Le but n’est pas de tout connaître par rapport à cela: impossible de connaître les langages de toutes les cultures mais au minimum soyons conscients qu’il y a des langages communs et qu’il y a des différences qui si nous sommes ouverts vont nous enrichir. Vive Babel.
Tous les êtres humains, nous utilisons les mêmes langages mais ces langages en fonction de notre culture ont des contenus différents et pour conclure, ce « gag » que je raconte souvent : les sociologues ont fait une étude pour lister les comportements que nous mettons en œuvre entre le moment où nous croisons le regard d’une dame, pour l’homme que je suis et le moment où nous sommes dans une très grande intimité. Dans ce processus, les sociologues ont repéré que nous faisons entre 22 et 26 actes, du inviter à boire un café, au restaurant, offrir des fleurs, embrasser sur la joue, caresser les fesses, caresser les seins etc....Problème : l’ordre des comportements et des actes posés n’est pas le même d’une culture à l’autre. Ainsi dans certains pays, il est commun d’embrasser sur la bouche en famille avec ses frères et sœurs et avec ses parents ; donc embrasser sur la bouche n’est pas un comportement hautement sexuel mais il peut l’être pour un Américain par exemple un peu puritain, qui se retrouve en Allemagne ou en Angleterre avec une girl-friend sympa. Elle, le trouvant sympa, va très vite l’embrasser sur la bouche puisque c’est un geste normal, lui va interpréter ce geste comme hautement sexuel et donc croire que c’est le moment « d’agir ». Il ne comprendra jamais la paire de gifles qu’il a reçues et le ressenti qui l’accompagne : « Toutes des salopes ! » alors qu’il s’agit tout simplement d’un séquencement différent d’une culture à l’autre.
En conclusion
Ainsi développer son humanité, sa personne, nécessite de maîtriser tous ces langages : en être conscients car ils me formatent dans tous les espaces de ma vie et surtout ils me permettront de prendre en main ma vie, en pilotage manuel: dans mon corps pour le dynamisme, dans mes relations pour l’influence et la « se-duction », dans mes actions pour des œuvres d'art à créer, dans mes institutions pour des valeurs conscientes et le choix de ma vie.
Le Chemin vers l’Humain (j’écris volontairement « Le » avec une majuscule et un article défini, car il n'y a pas d'alternative, même s'il y a des formes différentes) va du langage au Verbe, à travers 3 stades:
- des langages humains reçus, avalés, réducteurs, « qui me formatent »,
- aux langages/discours maîtrisés : séducteurs manipulateurs, et la manipulation consciente est positive,
- à la Parole, Verbe créateur de la Vie, réalisateur de l’Humain, réalisateur de ma Personne.
• Le choix pour chacun, chaque jour, à chaque moment, sera la façon dont nous utilisons les langages dans nos relations: pour les formatages, les pièges, les prisons ou les chemins vers la liberté.
Le langage est créateur :
Les langages humains sont centraux pour nous bloquer dans notre inhumanité ou créer notre humanité.
– Ils conditionnent notre comportement et nous formatent au sens qu’ils donnent forme à notre corps, la plupart du temps à notre insu : exprimez vous « vulgaire » « n’importe comment » vous deviendrez « laid ».
– pourtant, ils nous permettent de nous élargir, au double sens de ce mot : libérer et offrir plus d’espace, vers la Beauté et l’Elégance.
– Ils sont bien sûr au coeur de toutes nos relations, ils les conditionnent, les manipulent, ils soumettent, exploitent, séduisent
– Pourtant par eux nous communiquons, sé-duisons et créons l’Amour.
– Ils provoquent, accompagnent, prolongent, sous-tendent nos destructions bruyantes lors de nos réactions et colères inconsidérées et inadmissibles.
– Pourtant ils fleurissent dans des œuvres quand les langages deviennent Arts grâce à une expertise à toujours affiner
– Ils sont les radotages de nos leçons de morale hypocrites, les cloisons protectrices de nos certitudes affichées, les paravents de nos peurs incontrôlées, les justificatifs de nos aventures non vécues ou uniquement virtuelles
– Pourtant ils sont les clefs pour bâtir nos valeurs autonomes, ils sont la pierre d’angle de notre vision de la Vie
Les langages nous maintiennent dans nos formatages, conditionnements, manipulations, exploitations, agressions, morales ou nous entraînent vers Liberté, Beauté, Amour, Art, Vision. C’est le travail de chaque jour auquel je vous convie avec cette première étape qui consiste à être conscient de tous les langages de nos vies et à danser par eux La danse avec l’Autre.